L’histoire de l’alcool est foncièrement liée à l’histoire des États-Unis. Des pères pèlerins, dont les cales des bateaux étaient remplies de tonneaux de bière, aux saloons de la conquête de l’ouest, On estime qu’il y avait un saloon pour 300 habitants au début du XX° siècle et en 1830, le citoyen américain de plus de 15 ans boit en moyenne 80 bouteilles de whisky par an ! Le problème étant que l’on est passé d’une consommation de bière et de vin à une consommation d’alcool fort, avec pour conséquence, des excès alcoolisés qui choquent les puritains.
La prohibition résultera d’une campagne de nombreuses années menée par des pasteurs et de nombreux groupes de femmes qui associent l’alcool et les violences conjugales. Les premiers mouvements, datent du milieu du XIX° siècle et la première loi anti-alcool date de 1840 dans le Maine ! mais la Guerre de Sécession y mettra fin, le gouvernement fournissant à chaque soldat dans une premier temps de la bière puis du whisky pour tenir le coup sur le front. Les mouvements émergeront de nouveau grâce à une femme Frances Willard qui créera union chrétienne des femmes pour la tempérance en 1874, le relais sera repris par les hommes en 1893 et l’avocat Wayne Wheeler créera l’Anti- Saloon League.
Ces lobbyistes, réussiront à faire de la prohibition le 18° amendement de la constitution des états unis en 1919 et il sera ratifié le 17/01/1920. A partir de ce moment-là, il est interdit de fabriquer, transporter, importer ou exporter toute boisson contenant de l’alcool (à plus de 0.5%). Le but de cette loi était surtout de limiter les ravages de l’alcoolisme que ce soit sur le plan médical ou sur le plan social. Mais dans la pratique, la consommation n’est pas interdite, la fabrication pour sa consommation personnelle non plus et les clubs privés gardent le droit de vendre les bouteilles déjà stockées (ainsi le Yales Club de New York engrangera des bouteilles pour tenir 14 ans !)
Au départ, de bonnes choses découlent de cette loi : on dénombre moins de morts liées à l’alcool et moins de conduite en état d’ivresse. Les vignerons plantent des pruniers pour remplacer les vignes, et les grandes distilleries se mettent à fabriquer des sodas, mettant leur production sous clés. A New York, où le lien avec l’alcool est très fort (dû à la grande immigration écossaise et irlandaise), les bars et les clubs ferment mais très vite, de nombreuses personnes brave la loi, la trouvant absurde et jugeant que le gouvernement n’a pas dicter leur conduite. Ce qui entraînera l’ouverture de nombreux speakeasies (bars clandestins) et à l’aménagement des caves et passages souterrains. Mais aussi à la corruption de la police et la création de gangs qui se disputent la suprématie du trafic d’alcool. Créant de véritable millionnaire :
Georges Remus, profitera des lois en vigueur pour amasser une fortune de plus de 40 millions de dollars. En effet, ce modeste pharmacien, a su jouer du système pour devenir l’un des plus grand bootlegger (trafiquant d’alcool), explications : si la vente d’alcool est interdite, le whisky prescrit à des fins médicinales reste autorisé… et oui, à l’époque beaucoup de choses ont des vertus thérapeutiques, et la prescription augmentent. A la tête d’une pharmacie, G. Remus, sent le filon et rachète plusieurs distilleries pour « fournir » ses pharmacies. Si sur le papier tout reste légal, la production de ses distilleries, ne sert bien sûr pas qu’à cela et il devient le plus grand pourvoyeur d’alcool de la région de Cincinnati, transportant de l’alcool dans tout le pays. Il réussit plutôt bien son trafic et ne fera que 2 ans de prison en 1925 pour contrebande d’alcool. Et il mourra en 1952 dans un relatif anonymat. Relatif, s’il n’avait été l’inspiration de Gatsby le magnifique, le chef de d’œuvre de F. Scott Fitzgerald.
D’autre marqueront l’histoire comme Al Capone (appelé aussi Scarface, à cause d’une cicatrice qui lui barre le visage). Fils d’immigré italien, né en 1899 à Brooklyn, il rentrera à 20 ans dans un premier gang en tant que videur de bar. Il gagnera Chicago en 1920, pour rejoindre un autre gang et y gravit les échelons pour devenir premier lieutenant. Et pour finir chef de gang italien. Il règne alors sur des bars clandestins, des maisons closes, jeux truqués et quelques commerces légaux pour faire bonne figure et blanchir l ‘argent. Mais aussi sur le racket, l’intimidation et la corruption. Il protège son image en aidant les plus pauvres, accédant à une image de Robin des bois chic et moderne. Mais le massacre de la Saint Valentin en 1929, il décide de faire fusiller ses derniers rivaux et perd son image de bon samaritain dans l’opinion publique. C’est là qu’apparaît Eliott Ness et sa bande des incorruptibles qui s’acharneront à faire tomber le caïd. Même si on connaît ses crimes, si on ferme ses différents repaires, on n’arrive pas vraiment à le faire tomber. Ce sera finalement le fisc qui l’arrêtera pour fraude fiscale. Atteint de syphilis, il est libéré sous conditions en 1939. Il ne mourra qu’en 1947, d’un arrêt cardiaque.
Si on se focalise souvent sur Al Capone, qui donna l’image du gangster des années 20, bien habillé, chic, un peu dandy, une mitraillette à la main. La guerre pour le trafic d’alcool fut sans merci, et entraîné beaucoup de morts. De plus, si Chicago, fut une grande plaque tournante de ce trafic (les états voisins n’ont pas mis en place la prohibition et le whisky canadien arrivait par bateau entier depuis le Canada par le lac Michigan), le trafic est étendu à tout le pays, passant par les Bermudes, les Bahamas ou encore le Belize mais aussi St Pierre et Miquelon pour le trafic venant de France (l’île ne retrouvera d’ailleurs jamais une telle prospérité.). On trouve même des croisières alcoolisées, appelé Booze Cruise, littéralement les croisières de la gnôle, qui emmène les passagers dans les eaux territoriales ou à Cuba.
Finalement, peu de moyen ont été mis en place pour faire appliquer la prohibition : peu d’agent, la plupart sont corrompus et peu de moyens financiers pour ceux qui restent intègres. Et la prohibition fera finalement plus de morts que les chiffres précédant la promulgation de la loi. En effet, les gens qui buvaient, boivent encore plus, d’autre s’y mettent en signe de rébellion et on observe une augmentation significative des cirrhoses du foie et des conséquences de l’alcool frelaté : cécité, paralysie, folie… Beaucoup de bootleggers étaient peu scrupuleux et coupaient l’alcool ou bien la remplaçait par du méthanol (alcool de bois), de l’alcool à brûler ou encore du diluant pour peinture.
Finalement, devant un tel désastre, Roosevelt décide d’abroger le 18°amendement, laissant le choix aux états de pratiquer la politique qu’ils souhaitent dans le domaine de l’alcool (ce qui fait que l’on trouve encore aujourd’hui des dry county ou states comme le Tennessee). Mais l’état fédérale percevra des taxes sur l’alcool vendues, ce qui renflouera les caisses suite à la crise économique de 1929. Quant aux gangsters, la drogue, la prostitution et les jeux vont largement compenser les revenus du trafic illégal de l’alcool.
Un des conséquences inattendues de la prohibition fut la création de cocktails dans les bars clandestins, pour cacher l’affreux goût des alcools frelatés, avec notamment l’apparition du Cuba Libre et du Whisky Coca ! autre conséquence, la disparition des micro-brasseries américaine, seules les plus grandes manufactures pouvant se relever de cette période sombres. Ce qui entraîna une perte savoir-faire et une mauvaise réputation de la bière américaine à travers le monde. Il faudra attendre les années 80 pour voir réapparaître ce savoir-faire et retrouver des bières typiquement américaines.
Il est peut-être temps de partir sur les traces de la prohibition et d’Al Capone en partant pour Chicago, vous ne croyez pas ?
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